Hydrogène & TRM : la voie royale de la pile à combustible
Ce tropisme a une conséquence : il favorise la filière hydrogène à pile à combustible. Fondamentalement un véhicule à pile à combustible est un véhicule à batteries disposant d’une unité de production d’énergie électrique embarquée assurée par la pile à membrane à échange de protons (ou PEM).
De nombreux industriels se sont positionnés sur ce marché à commencer par l’acteur historique Canadien des piles à combustibles Ballard. Outre-Atlantique, on compte également Accelera et GM. Mais Toyota, Hyundai, et les européens Symbio, PlasticOmnium, EKPO, ont rapidement pris place sur le marché pour attirer les partenariats avec les constructeurs. L’IFP Energies Nouvelles procède depuis 2022 à des tests et des développements sur son site de Solaize (38) pour optimiser la gestion de l’énergie à bord et comparer les performances entre piles à combustibles et moteurs à combustion interne fonctionnant à l’hydrogène.
Cette option est, évidemment, la plus radicale et fait entrer de nouveaux prétendants sur le marché du véhicule industriel : on pense à l’Allemand Quantron ou au français Hyliko. Ce dernier propose un ensemble « tout compris » associant énergie et véhicule dans le cadre d’une location kilométrique. Ceci pour compenser un prix dissuasif pour les acteurs du transport routier. Car c’est un des obstacles majeurs qui reste à franchir : le prix du véhicule, combinant batteries et pile à combustible. C’est ce qui explique l’engouement de certains autour du reconditionnement de véhicules diesel en hydrogène (rétrofit). On pense à GCK Mobility, Hyliko ou Safra pour les véhicules lourds mais aussi à Tolv ou Qinomic pour les utilitaires. D’autres ont procédé à des annonces comme le bureau d’études et de tests Green’Mot. D’autres encore sont de purs assembleurs comme IBF H2.
Malgré un contexte réglementaire favorable, les procédures d’homologation (notamment de composants), les coûts de transformation (pour des véhicules ayant déjà entamé leur vie active) constituent des freins qu’il ne faut pas sous-estimer. Nombre de clients potentiels se sont déclarés, mais on est encore loin d’un marché de masse permettant d’amortir les coûts de développement. La révolution du véhicule industriel électrique à pile à combustible, si elle est tangible sur les salons, ne s’est pas encore traduite sur le marché. La liquidation judiciaire de e-Neo en 2023 doit inciter à la prudence. Quant aux constructeurs-motoristes traditionnels, ils se hâtent lentement : il y a bien l’association entre Daimler et Volvo via CellCentric et les développements chez Traton, mais ils considèrent que la pile à combustible restera réservée aux applications lourdes ou à grande autonomie.
Le salut de l’hydrogène par le moteur à combustion interne ?
La surprise vient du développement chez de très nombreux motoristes (Cummins, DAF, Iveco FPT Industrial, Traton, Volvo Trucks) de moteurs à combustion d’hydrogène. Des bureaux d’études comme Keyou ou FEV ont également développé des solutions de conversion de moteurs Diesel ou GNV vers la combustion hydrogène. Dernièrement, un accord est intervenu entre Wesport et le groupe Volvo pour des solutions Dual-fuel regroupées dans une coentreprise.
Cet intérêt se justifie par plusieurs facteurs : il y a d’une part la réutilisation de l’outil industriel, ce qui préserverait l’emploi, les usines et le savoir-faire associé en Europe. Il y a également le fait que les moteurs à combustion soient moins exigeants en degré de pureté du dihydrogène que les piles à combustible. Leur « rusticité » et leur durée de vie constituent des arguments forts pour des applications industrielles.
En outre, les spécialistes de l’IFP Energies Nouvelles l’ont mesuré, le rendement des moteurs à hydrogène est -à l’image des moteurs GNV- meilleur à pleine charge, donc aux fortes puissances. C’est exactement l’inverse qui se produit pour les piles à combustible. Pour un véhicule industriel lourd, cela constitue un avantage manifeste. Pour les équipementiers, notamment les spécialistes de la suralimentation et de la dépollution (comme BorgWarner), il reste quelques défis à résoudre mais ils sont techniquement à leur portée. Reste à savoir si la fenêtre réglementaire créée par la Directive RED-II sur les carburants « propres » sera suffisamment stable juridiquement pour que les investissements puissent être engagés par les industriels. Cette option, prometteuse, demeure également handicapée par deux postes de surcoûts connus de la filière pile à combustible : le prix des réservoirs (et leur faible capacité de stockage en kg de dihydrogène) et le prix de la molécule de dihydrogène dit « vert » (ou issu de filières de production dites « d’origine renouvelable »).