Hervé Rébillon : Vous êtes vice-président de l’International Truck of the Year. Pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste ce prix ?
Fabien Calvet : L’International Truck of the Year (ITOY) est une distinction attribuée par un jury composé de journalistes spécialisés, représentant 25 nations européennes, chacun d’eux incarnant la voix de son pays. Notre mission consiste à tester, évaluer et noter les camions de toutes marques. À l’issue de cette analyse, nous désignons le camion de l’année, en fonction de plusieurs critères. Bien sûr, la technique et le confort sont essentiels, mais l’innovation joue également un rôle clé : nous examinons ce qu’un véhicule apporte de nouveau au marché du poids lourd.
Hervé Rébillon :Ces dernières années, de nouvelles énergies ont émergé. Influencent-elles vos choix ? En est-il de même pour les nouvelles réglementations, notamment la directive sur le poids et les dimensions des véhicules, actuellement en discussion en Europe ?
Fabien Calvet : L’utilisation de nouvelles énergies est un critère de plus en plus déterminant, car elle reflète une évolution majeure du secteur du véhicule industriel et urbain. L’innovation technologique dans le poids lourd a d’abord concerné les moteurs, avant de s’orienter vers des solutions environnementales. Nous assistons aujourd’hui à l’essor de technologies comme l’hybride, l’électrique ou encore l’hydrogène, qui connaissent un développement rapide.
L’adaptation aux nouvelles réglementations est également un critère pris en compte lors de la sélection des lauréats. Mais il est important de rappeler que ce prix n’est pas uniquement français : je suis le seul juré français, mais nous formons un jury international avec 25 pays représentés. Aujourd’hui, ce nombre s’est même étendu à 35 nations, avec l’intégration de membres associés issus d’Asie (Chine), d’Amérique du Sud et d’Amérique du Nord. Le Truck of the Year est donc une distinction véritablement mondiale. SOLUTRANS constitue une vitrine exceptionnelle pour cette vision internationale, attirant des professionnels du monde entier.
Hervé Rébillon : Lors du prochain SOLUTRANS, vous allez remettre le 50e prix de l’International Truck of the Year. En 1977, le premier lauréat était un camion britannique : le Seddon Atkinson 200. Quelles ont été les évolutions les plus marquantes des camions ces 50 dernières années ?
Fabien Calvet : Le Seddon Atkinson était révolutionnaire pour son époque, notamment grâce à sa cabine basculante en acier, une innovation majeure. Si l’on observe l’évolution sur plus d’un demi-siècle, on constate que les camions ont progressé bien plus rapidement que les voitures sur le plan technologique. Dans les années 1970, un moteur de 300 chevaux était perçu comme une prouesse. Aujourd’hui, certains modèles dépassent les 780 chevaux !
Mais l’évolution ne se limite pas à la puissance. Les transmissions, l’automatisation et surtout la consommation de carburant, ont connu des avancées majeures. À titre de comparaison, un camion consommant moins de 40 L/100 km était autrefois considéré comme performant. Aujourd’hui, certains modèles descendent à 25 L/100 km. Le confort des conducteurs a également été révolutionné. Les derniers modèles récompensés, comme le DAF GX/GX+, offrent jusqu'à 12 m³ d’espace intérieur, un véritable changement pour la qualité de vie des chauffeurs.
Hervé Rébillon : Vous avez récemment créé un nouveau prix, le Truck Innovation Award. De quoi s’agit-il ?
Fabien Calvet : Ce prix vise à récompenser les avancées technologiques qui introduisent une véritable innovation, qu’il s’agisse d’autonomie, de sécurité ou de nouvelles énergies. L’année dernière, nous avons notamment distingué un moteur à combustion interne fonctionnant à l’hydrogène. Beaucoup parlent d’hydrogène, mais cette appellation recouvre différentes technologies. Notre rôle est d’analyser ces avancées avec un regard expert et objectif. Nous avons également récompensé Hyundai, qui est très en avance sur cette question.
Hervé Rébillon : À quoi ressemblera le camion de demain selon vous ? Voyez-vous émerger une solution unique ou bien une pluralité d’options ?
Fabien Calvet : C’est une question très complexe… Tout dépendra des réglementations et de l’évolution des lois. Aujourd’hui, les camions électriques fonctionnent bien, mais je pense que l’avenir reposera sur un mix énergétique. Il n’existe pas de solution unique : si une technologie miracle existait, tout le monde l’adopterait déjà. En réalité, cela dépend des usages, des territoires et des contraintes propres aux transporteurs.
Le futur du camion sera donc multiple. Chaque transporteur devra choisir entre électrique, hydrogène, biocarburants ou diesel de synthèse, en fonction de ses besoins spécifiques. Ce qui est certain, c’est que les dix prochaines années connaîtront autant de bouleversements que les cent dernières en matière de transport routier.