Le moteur à combustion interne a mauvaise presse. Tout a commencé par la révélation aux États-Unis du fameux Volkswagengate, affaire annoncée le jour même de l’ouverture à la presse du salon automobile IAA de Francfort. Aussitôt, certaines « ONG » se sont emparées de l’affaire et ont décrété haro sur le Diesel. Si cela ne suffisait pas, les mêmes se sont emparés d’une étude du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de 2012 évaluant la cancérogénicité des gaz d’échappements des moteurs essence et diesel ainsi que de certains nitroarènes. Etude rigoureuse mais incluant les moteurs diesel utilisés dans l’industrie ferroviaire ou minière avec des cohortes statistiques suivies depuis les années 1980 !
Cette étude omet, pour des raisons de durée de suivi des populations étudiées, le fait que le gazole et la dépollution des moteurs Diesel a considérablement évolué au fil des ans. Il y eut l’application des normes européennes Auto Oil I et II au tournant des années 2000 qui ont imposé aux raffineurs et distributeurs un gazole à très basse teneur en soufre (10 ppm). Quant aux objectifs relatifs aux émissions des camions, ils sont radicaux avec 90% de réduction visé à l’horizon 2040. Fermez le ban, la messe est dite ? Pas tout à fait.
Diesel : de nouveaux moteurs conformes à la norme Euro VII ?
À la surprise générale, Scania a mis sur le marché en 2022 sa génération DC13 Super, annonçant un rendement thermodynamique supérieur à 50% en cycle Diesel 4 temps (probablement en suivant les anciennes mesures SAE, sans périphériques moteur ni dispositif d’échappement). Scania a expliqué ce choix à contre-courant du discours dominant en expliquant qu’il y aurait toujours besoin de moteurs diesel pour des applications non routières. Et certains métiers (transport exceptionnel, grues, pompes aspiratrices et autres carrosseries spéciales), auront toujours besoin de combiner fortes puissances, charge utile et autonomie. Reprenant à peu près les mêmes arguments, FPT Industrial (la division moteur du groupe Iveco) et Cummins présentèrent au salon IAA 2022 leurs nouveaux moteurs thermiques. Cummins ouvre le bal dès ce premier semestre 2024 avec son X15 HELM. Iveco FPT Industrial va introduire sur le marché son Cursor XC13 Diesel cet été 2024. Volvo Trucks, promoteur zélé du « tout électrique » depuis 2018, annonce en début d’année 2024 la mise sur le marché prochaine du Volvo D17K de 17.3 litres. Une évolution du moteur D16K déjà connu en Euro VI. Toutes ces motorisations sont toutes annoncées comme compatibles avec la norme Euro VII votée le 13 mars 2024. Pour Cummins, ses moteurs X15 HELM sont également annoncés comme compatibles avec les dernières spécifications de l’EPA (dont les applications sont échelonnées entre 2028 et 2032) et les exigences de l’Etat de Californie (normes CARB). Au vu de cette liste, on comprend que le moteur thermique n’a pas rendu les armes.
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Le moteur diesel n’est pas forcément dépendant des énergies fossiles
Résumer le moteur diesel au seul gazole est réducteur. Berliet développa des moteurs poly-carburants en France dès les années 1950 et la liste était digne d’un inventaire à la Prévert : fuel lourd, huile de ricin, alcools divers. Durant la seconde guerre mondiale, l’Allemagne avait industrialisé le procédé Fischer-Tropsch, découvert en 1923, permettant de produire des carburants de synthèse à partir de la houille, procédé qui allait être perfectionné dans les années 1960 et 1970 par l’Afrique du Sud. Les ester méthyliques d’acides gras (EMAG) d’origine végétale et les HVO doivent répondre aux exigences de la Directive RED II n°2018/2001 du 11 décembre 2018 sur les énergies renouvelables. Cette incorporation d’huiles végétales -résidus d’huiles de la restauration ou de tourteaux- dans le gazole peut aller beaucoup plus loin que le B7 moyennant quelques adaptations sur le plan de maintenance et la filtration des circuits d’alimentation en carburant des véhicules industriels. MAN, Renault Trucks, Scania, Volvo Trucks ont homologué le B100, soit sous forme flexible, soit sous forme exclusive sur tout ou partie de leur gamme de moteurs. Une surconsommation peut être constatée (8% environ selon TotalEnergies) mais elle est variable d’un modèle à un autre. Cela s’explique physiquement par un pouvoir calorifique inférieur (PCI) inférieur du B100 par rapport au gazole. Le bilan en termes de CO2 « du puits à la roue » est également avantageux (jusqu’à 90% de réduction selon l’ADEME), avec comme argument, une production qui a les faveurs du Ministère de l’Agriculture français.
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